Contes, mythes et légendes,
"Manifestation vivante de la Vie Unique",
dits par Régor au gré de la Vouivre

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A quoi bon essayer d’enseigner la sagesse à qui n’est pas mûr pour cette connaissance ? C’est une tâche aussi vaine que de remplir le tonneau percé des Danaïdes !
C’est ce qui explique le comportement de Merlin dans cet autre conte :

 

 

FAUT-IL ENSEIGNER

LA SAGESSE ET LA VÉRITÉ ?

 
 
Merlin avait, par sa folie, acquis une telle réputation de sagesse que les habitants de son village vinrent un jour en délégation pour lui demander de se rendre, le soir de la pleine lune, au pied du grand menhir pour leur enseigner la sagesse et la vérité.
 
Merlin, qui connaissait très bien les habitants de son village, n’avait nulle envie de leur enseigner quoi que ce soit !
La demande lui fut faite avec tant d’insistance qu’il finit par venir au pied du grand menhir. Là, il leur posa la question :
- Savez-vous de quoi je vais vous parler ce soir ?
- Ah non ! Merlin, nous ne le savons pas ! répondirent-ils d’une seule voix.
- Eh bien ! dit Merlin, quand vous le saurez, je reviendrai !
 
Le mois suivant, les habitants de son village revinrent en délégation auprès de Merlin ; ils renouvelèrent leur demande, insistèrent tant auprès de lui que celui-ci, à contre-cœur, revint de nouveau le soir de la pleine lune au pied du grand menhir. Là, il leur posa pour la deuxième fois la question :
- Savez-vous de quoi je vais vous parler ce soir ?
- Oui ! Merlin, nous le savons ! répondirent-ils tous en chœur.
- Eh bien ! leur dit Merlin, puisque vous le savez, vous n’avez nul besoin que je vous l’enseigne !
 
Les habitants de son village réfléchirent et se concertèrent. Ils se mirent d’accord sur la façon de répondre la prochaine fois à la question de Merlin et revinrent de nouveau en délégation auprès de lui. Ils eurent beaucoup de mal à le retrouver dans la solitude de la forêt où il vivait la folie qui le possédait :
- Nous avons compris cette fois, reviens le soir de la prochaine pleine lune, au pied du grand menhir, pour nous enseigner la sagesse et la vérité.
Comme les mois précédents, Merlin n’avait nulle envie de leur enseigner quoi que ce soit. Le soir de la pleine lune, il se rendit cependant au pied du grand menhir et renouvela sa question : 
- Savez-vous de quoi je vais vous parler ce soir ?
Alors les uns répondirent en chœur :
- Oui ! Merlin, nous le savons !
Et les autres, d’une seule voix :
- Non ! Merlin, nous ne le savons pas !
 
- Et bien ! leur dit Merlin, que ceux qui savent l’enseignent à ceux qui ne savent pas !
 
Certes, beaucoup sourient en entendant ces répliques. La mauvaise foi de Merlin est évidente, il ne refuse pas directement la demande, il louvoie. Pourtant, la très grande majorité des gens veulent être enseignés, mais selon leurs idées arrêtées ; ils ne perçoivent pas alors que rien ne peut leur être dit ! La vérité qu’ils demandent, ils ne la supporteraient pas ! Qui ne connaît la célèbre réponse que fit Abu Bakr, l’un des proches du Prophète, à qui l’on demandait ce que Mohammed lui avait dit en aparté à propos des femmes : « Si je vous disais ce qu’il m’a dit à ce sujet, vous me lapideriez ! » ?
Garder le silence, non pas pour sauver sa peau (quoique…), mais surtout pour ne pas scandaliser les faibles qui, dans leur folie ordinaire, s’aveugleraient encore davantage et deviendraient bien vite inquisiteurs et assassins comme l’histoire l’a tant de fois prouvé ! Ou bien à tout le moins, de braquer la lumière dans les yeux de ces gens ferait simplement quelques aveugles de plus.

 



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