Contes, mythes et légendes,
"Manifestation vivante de la Vie Unique",
dits par Régor au gré de la Vouivre

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Dans la folie ordinaire, le goût de la force, de la violence et des armes tient une grande place, sous toutes les latitudes…
Le Zen lui-même a grandi sur une terre où la tradition des armes était très forte. L’entraînement était suivi de tests qui pouvaient montrer l’état d’être auquel l’apprenti samouraï était parvenu. Mais attention au contre-sens ! Jamais le fruit ultime sera au bout d’une méthode, d’un entraînement, aussi assidu fût-il ! En voici une illustration :

 
 
LES TROIS FILS

DU SAMOURAÏ

 
 
Il était une fois un samouraï réputé qui avait trois fils ; il les entraînait depuis leur plus jeune âge au maniement du sabre. Il était très fier de leur habileté et aimait être complimenté à leur sujet. Il trouvait cependant son fils aîné fort passif et nourrissait par contre une grande admiration pour les prouesses du plus jeune, toujours vif, prompt et agile en tout.
 
Un jour, il invita son vieux Maître d’Armes pour lui montrer tout le savoir-faire de son plus jeune fils. Il entrebâilla la porte d’entrée de la pièce où ils buvaient ensemble le thé selon le rituel traditionnel et plaça un coussin en équilibre.
Le samouraï appela son plus jeune fils. Celui-ci arriva fougueusement, poussa la porte brusquement et, alors que le coussin tombait, dégaina son sabre et fendit celui-ci en deux avant qu’il ne touche le sol ! Le père jeta sur lui un regard admiratif.
- Ah ! dit le vieux Maître, celui-là, vous n’en ferez rien de bon ! Il peut s’entraîner encore bien des années et ce sera sans aucun doute en pure perte. Il est bien trop impulsif !
 
Le samouraï fronça les sourcils, fort étonné de ce jugement, mais se tint coi. Il n’est pas dans la coutume de contredire un Maître.
Celui-ci dit alors :
- Faites venir vos deux autres fils que je voie ce dont ils sont capables.
Le samouraï mit un second coussin en équilibre sur la porte et appela son deuxième fils. Ils  entendirent ses pas alors qu’il approchait de la porte. Le second fils ralentit, poussa légèrement la porte d’une main, saisit prestement le coussin au vol avec un sang-froid remarquable puis entra et salua.
Le samouraï était fort dépité ; son fils n’avait même pas dégainé son sabre !
- Ah ! dit le Maître, avec le temps et beaucoup de patience, vous arriverez peut-être à en faire un Maître d’Armes, mais ce sera long et difficile !
 
Puis il demanda au samouraï réticent d’appeler son fils aîné. Celui-ci arriva jusqu’à la porte mais n’entra pas !
- Ah ! Voilà qui est parfait ! s’exclama le Maître. Celui-là a vraiment toutes les aptitudes pour devenir un grand Maître d’Armes !

 
« Le grand art de la guerre, c’est de demeurer inattaquable » enseignait-on jadis en Chine, selon la pensée taoïste. Les fanfarons et les belliqueux sont légions. Toujours, la violence engendre la violence.
Les conduites dites héroïques ne sont le plus souvent qu’orgueil et vanité. Combien sont morts pour rien dans des guerres ineptes pour ne pas avoir voulu être lâches ! Que dit le nagual toltèque don Juan à Carlos Castaneda ? « Le tempérament d'un Guerrier exige le contrôle de soi en même temps qu'un complet abandon de soi
[1] ». Etre « lâche », c’est ne plus avoir rien à défendre, au-delà des croyances en un pseudo honneur, en un devoir… Lâcher prise est le grand art pour qui veut entrer vivant dans la Vie, par-delà cet événement qu’on appelle « mort ».

 
 

[1] - Carlos Castaneda - Le Voyage à Ixtlan - Gallimard, 1972.



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