Contes, mythes et légendes,
"Manifestation vivante de la Vie Unique",
dits par Régor au gré de la Vouivre

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Lorsqu’il faut mettre la main à la pâte, Merlin ne se paye pas de mots ! Il agit concrètement, porté par l’énergie amour qui l’habite. Là, il ne pousse plus de grognements, il ne fait plus de discours ou de réponses sibyllines, il fait face à la situation et se met à l’œuvre.
Le voici cette fois face à la famine. Il invente alors :

 
 
 
LA SOUPE AUX CAILLOUX
 

 
Cet hiver-là fut terrible dans les Monts d’Arrée.
Dans tous les villages, hommes, femmes et enfants souffraient du froid et, pis encore, de la faim. C’était partout la désolation.
Je vais vous conter quel fut l’étrange comportement de Merlin en cette occasion.

 

Il arriva en portant un grand chaudron de cuivre et s’installa au centre d’un village. Il alluma un feu, péniblement, avec ce qu’il put trouver d’écorce et de bois, et il mit de la neige à fondre dans son chaudron.
Alors, l’un après l’autre, les enfants vinrent à lui, suivis des femmes les moins timides, puis des hommes en dernier, toujours plus soupçonneux. Tous les habitants du village, même les moins valides, se retrouvèrent en cercle autour de lui, l’œil terne, le regard hagard, hâves et grelottants.
Le temps qu’ils arrivent, la neige avait fondu dans le grand chaudron.
- Mais qu’est-ce que vous faites ? interrogea la vieille la plus hardie.
- Vous avez faim, hein ! dit Merlin. Eh bien ! je vais vous faire une soupe aux cailloux.
 
Merlin prit deux ou trois galets qu’il mit dans le chaudron et, ensuite, il remua l’eau avec une spatule en bois, dans un silence aussi glacial que celui du vent du nord.
- Mais… on n’a jamais vu ça ! Une soupe aux cailloux ! C’est pas Dieu possible ! s’exclama la plus vieille, rompue par le froid et les privations.
Merlin, imperturbable et muet, continua son geste incompréhensible.
- P’t’ête bien que la soupe aux cailloux serait meilleure avec une pincée de sel ! lança la vieille avant d’aller chercher dans sa cabane, au fond d’une écuelle, quelques grains de sel qu’elle vint jeter dans le chaudron.
Alors, une autre vieille quitta brusquement le cercle en grognant. Elle venait de se souvenir d’un oignon qui avait roulé sous son lit, il y a bien longtemps, et qu’elle n’avait jamais ramassé.
- P’t’ête bien que la soupe aux cailloux serait meilleure si on ajoutait un oignon, dit-elle en le coupant en morceaux qu’elle jeta dans l’eau chaude.
Merlin, impavide, tournait toujours sa spatule, le regard dans le vide.
- Je m’souviens ! dit un vieux qu’on vit disparaître aussitôt et revenir peu après.
- Voilà, qu’il dit, la soupe aux cailloux, elle s’rait-ti pas meilleure avec ça.
Il ajouta dans le chaudron quelques rogatons de pommes de terre.
Tour à tour, chacun des habitants s’éclipsa et revint avec qui un peu de lait caillé gelé au fond d’une écuelle, qui quelques grains de blé ou d’avoine, qui un peu de farine, que sais-je encore...
 
Merlin ne prononça aucune parole. Quand tous les ingrédients apportés par les uns et les autres furent cuits, il servit à chacun une écuelle de la meilleure soupe aux cailloux qu’on n'ait jamais faite !
Cela réchauffa les cœurs, délia les langues. L’hiver devint subitement moins froid. L’on décida de se regrouper dans la plus grande hutte pour se tenir chaud et de faire chaque jour une soupe aux cailloux pour tous. L’hiver des cœurs cessa et, croyez-moi, la neige fondit très vite…
 
Merlin, lui, était aussitôt reparti avec son grand chaudron de cuivre vers le village voisin pour y faire une autre soupe aux cailloux…
 
Il existe plusieurs versions différentes de ce conte Zen. Dans la première fois que je l’ai entendu de la bouche d’un ami conteur, il s’agissait d’un soldat qui revenait de guerre et demandait l’hospitalité à une pauvre vieille qui n’avait, disait-elle, plus rien à manger. Le soldat lui dit :
- Qu’à cela ne tienne, nous ferons une soupe aux cailloux ! Vous verrez qu’il y en aura pour deux. !
Il commença à faire bouillir l’eau dans la marmite, ajouta les cailloux et la petite vieille, fouillant dans toute sa cuisine, ajouta, sel, beurre pomme de terre…, tout ce qu’elle put trouver !
 
Un soir de veillée au coin du feu, je contai cette histoire. Un auditeur me dit :
- Savez-vous qu’il existe un restaurant où l’on sert de la soupe aux cailloux ?
Devant ma surprise, il ajouta :
- Le chef met quelques cailloux dans le fond de sa marmite pour enrichir la soupe de sels minéraux !
Pour moi, je crois que cet homme doit être l’ancien soldat qui revenait de guerre… Je n’ai pas retenu l’adresse et je n’ai pas encore goûté à la soupe de ce maître queue. Si vous connaissez son adresse, ne manquez pas de m’informer car j’irai volontiers goûter à sa « soupe aux cailloux » !
 



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