Contes, mythes et légendes,
"Manifestation vivante de la Vie Unique",
dits par Régor au gré de la Vouivre

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Un conteur fabuleux, Amadou Hampâté Bâ, musulman né au Mali, a fait cette mise au point terrible :
- « Chez nous, quand on ne connaît pas l’essence d’une chose, on dit “Je ne sais pas”. Et  “Je ne sais pas” est un des noms de Dieu ».
Quel silence s’établirait partout si chacun savait répondre justement : « Je ne sais pas » ! Foin des paroles oiseuses et inutiles qui ne font qu’illustrer la peur du vide ! La vanité de qui croit savoir… et ne répète que les inepties séculaires !
J’en veux pour preuve l’histoire de cet éleveur de chevaux. Ce Mongol avait appris d’expérience qu’on ne peut jamais dire si l’événement qui survient est bon ou mauvais !
 
 
CONTE DE CELUI

QUI DISAIT TOUJOURS

 
« JE NE SAIS PAS »

 
 
Il était une fois, en Mongolie, un éleveur de chevaux à qui les longues années vécues avaient appris quelques rudiments de sagesse.
 


Un jour, son fils, après avoir longuement galopé dans la steppe, revint au campement avec une jeune et belle pouliche sauvage qu’il avait capturée au lasso. Elle était d’une blancheur étonnante, sa force et sa vigueur étaient frappantes.
Les voisins vinrent complimenter notre éleveur :
- Quelle chance tu as d’avoir un tel fils ! Cette jument blanche est vraiment une belle prise !
- Je ne sais pas, je ne sais pas, répondit le vieil homme, on verra bien…
 
Le lendemain, en voulant dresser sa nouvelle monture, le jeune fils fut victime d’une ruade, tomba lourdement à terre et se cassa la jambe.
Et les voisins de dire au père :
- Ah ! Quel malheur ! S’il n’avait pas capturé cette pouliche sauvage, ton fils n’aurait pas la jambe cassée. Voilà qu’il ne va plus pouvoir t’aider pendant quelques semaines !
- Est-ce un malheur ? Je ne sais pas, je ne sais pas, bougonna le père, on verra bien…
 
Sur ces entrefaites, un messager apporta une nouvelle inquiétante. Le Grand Khan mobilisait tous les jeunes de son peuple pour aller envahir l’Inde. Seul le fils de notre éleveur fut épargné par cet ordre implacable !
Et les voisins de dire au père :
- Ah ! Quelle chance tu as ! Ton fils va rester près de toi ; les nôtres vont partir et nul ne sait s’ils reviendront jamais !
- Je ne sais pas, je ne sais pas, se contenta de répéter l’éleveur de chevaux, on verra bien…
 
L’histoire peut continuer sempiternellement sa ritournelle…
 
A quelques-temps de là, la pouliche blanche échappant à la vigilance des gardiens, se sauva dans la steppe.
Et les voisins de dire au père :
- Ah ! Quel malheur ! Tu as perdu la plus belle bête de ton troupeau !
- Je ne sais pas, je ne sais pas, on verra bien…
 
Plusieurs mois plus tard, la jument revint avec un poulain.
- Ah ! Quelle chance ! Ton troupeau s’agrandit…
- Je ne sais pas, je ne sais pas, on verra bien…

 
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L’expérience avait enseigné à cet éleveur de chevaux que l’événement qui survient est  toujours juste. Allez dire cela à la plupart des gens, vous vous ferez lyncher ! Toute vérité n’est pas bonne à dire, comme chacun sait. Affirmer simplement qu’on ne peut pas savoir est souvent déjà une provocation insupportable !
De fait les événements ne sont jamais contre soi, ils sont dans l’ordre des choses, dans l’enchaînement des causes et des conséquences et sont toujours justes ! Mais cette affirmation est scandaleuse pour beaucoup. Le bien et le mal ? Ornière de droite, ornière de gauche, mais non le terre-plein central, la voie du Tao, du juste milieu… Bon Heur(t) ou mal Heur(t), ce sont toujours des heurts ! Arrondir les angles est le grand art de la souplesse nécessaire pour ne pas être emporté au creux de la vague pour remonter ensuite à son sommet comme un ludion. Le calme habite dans la profondeur des eaux et l’équanimité dans la profondeur de l’être.
Alors, déjà savoir qu’on ne sait pas, reconnaître qu’on ne connaît pas, c’est un grand pas en avant, c’est une connaissance ! Peut-être la seule véritable que nous aurons jamais  Qui sait ?
Comme dans ce conte, la vérité très souvent se fait jour longtemps après l’événement, en fin de « conte » ! Après nombre d’erreurs qui sont le lot commun de tous les apprentis-sages.



 



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